Résumé biographique

Militaire paraguayen devenu homme d’État, Alfredo Stroessner a dirigé son pays pendant plus de trois décennies sous un régime autoritaire qui a marqué durablement l’histoire politique du Paraguay et de l’Amérique latine du XXᵉ siècle.


Parcours

Né le 3 novembre 1912 à Encarnación (département d’Itapúa, Paraguay), Alfredo Stroessner Matiauda est le fils d’un père immigré allemand et d’une mère paraguayenne. Entré dans l’armée à dix-sept ans, il se distingue pendant la guerre du Chaco (1932-1935) contre la Bolivie et gravit rapidement les échelons, devenant colonel en 1948 puis général en 1951. Chef d’état-major de l’armée en 1951, il s’impose comme arbitre entre factions du Parti Colorado et du pouvoir civil.

Le 4 mai 1954, il conduit un coup d’État militaire qui renverse le président Federico Chávez. Élu sans opposition, il prête serment le 15 août 1954. Il installe un régime fondé sur l’alliance entre le Parti Colorado, l’armée et la police, déclarant un état de siège permanent censé préserver la stabilité nationale. Stroessner justifie son pouvoir par la lutte anticommuniste, dans le contexte de la Guerre froide. Soutenu par les États-Unis et plusieurs dictatures voisines, il contrôle tous les leviers institutionnels du pays pendant trente-cinq ans. Son régime, surnommé « Stronato », se caractérise par la répression politique, la censure et un culte de la personnalité sans partage.

Malgré la construction de grands ouvrages d’infrastructure, dont le barrage d’Itaipú en coopération avec le Brésil, et une stabilité économique apparente, le régime se durcit dans les années 1980. En février 1989, il est renversé par un coup d’État militaire conduit par son ancien protégé, le général Andrés Rodríguez. Il s’exile aussitôt au Brésil, où il vivra jusqu’à sa mort le 16 août 2006 à Brasilia, âgé de 93 ans.


Controverse

Le régime de Stroessner est considéré comme l’un des plus longs et des plus répressifs d’Amérique latine. Sous son autorité, des milliers d’opposants politiques, étudiants, syndicalistes et militants furent emprisonnés, torturés ou exécutés. Le Paraguay participa à l’opération Condor, coordination entre dictatures du Cône Sud pour traquer les dissidents. Les violations massives des droits humains, la corruption généralisée et l’enrichissement de l’élite du Parti Colorado sont abondamment documentés. Après son exil, plusieurs plaintes furent déposées au Paraguay et en Europe pour crimes contre l’humanité, sans qu’il soit jamais jugé.


Repères de carrière

1932-1935 : Participe à la guerre du Chaco contre la Bolivie ; obtient le grade de capitaine.
1948 : Devient colonel après une série de révoltes militaires au Paraguay.
1951 : Nommé chef d’état-major général de l’armée paraguayenne.
4 mai 1954 : Mène un coup d’État contre le président Federico Chávez.
15 août 1954 : Prête serment comme président de la République du Paraguay.
1958 : Réélu sans opposition, le pays reste sous état de siège.
1961 : Traité de coopération économique et militaire avec les États-Unis.
1973 : Signature du traité du barrage hydroélectrique d’Itaipú avec le Brésil.
1977 : Nouvelle « réélection » pour un mandat de cinq ans, scrutin à candidat unique.
1983 : Visite du pape Jean-Paul II ; promesse de libéralisation sans suite.
3 février 1989 : Renversé par un coup d’État dirigé par le général Andrés Rodríguez.
16 août 2006 : Décès en exil à Brasilia (Brésil).


Vie personnelle et engagements

Alfredo Stroessner épouse Eligia Mora Delgado, avec laquelle il a trois enfants, dont Gustavo Stroessner, officier de l’armée. D’origine modeste, il met en avant une image de discipline militaire et de rigueur personnelle tout en favorisant un réseau de fidélités politiques. Il ne manifeste aucun engagement public en faveur des réformes sociales ou démocratiques, privilégiant le contrôle total du pays par l’armée et le Parti Colorado.

Exilé au Brésil après 1989, il mène une vie discrète dans une résidence surveillée à Brasilia. Plusieurs gouvernements paraguayens successifs refusent son extradition, invoquant son âge et sa santé. Stroessner ne montre jamais de remords publics et continue de se revendiquer comme garant de la stabilité et de la sécurité du Paraguay. À sa mort, il reste une figure controversée entre autoritarisme, ordre imposé et mémoire des violations des droits humains.


Lieu de mémoire

Alfredo Stroessner meurt le 16 août 2006 à Brasilia (Brésil). Il est inhumé dans le cimetière Campo da Esperança, sans cérémonie officielle au Paraguay. Son nom demeure absent des commémorations publiques, bien que le régime qu’il dirigea continue de susciter des débats historiques et politiques. Aucune statue ou hommage officiel ne lui est consacré sur le territoire paraguayen, tandis que des musées de la mémoire documentent les crimes commis pendant sa dictature.


Contexte du décès

Alfredo Stroessner décède à 93 ans des suites d’une pneumonie contractée après une opération de hernie à Brasilia. Le gouvernement paraguayen en exercice limite les déclarations officielles à un communiqué diplomatique. Les médias nationaux évoquent la fin d’une ère marquée par la peur et le contrôle militaire. Aucun rapatriement de la dépouille n’a lieu à la demande de sa famille, désireuse d’éviter de nouvelles tensions politiques.


Anecdotes

1 - En 1954, à la suite de son coup d’État, il est élu président par le Parlement avec 99,6 % des voix, lors d’un scrutin à candidat unique.
2 - Le régime Stroessner a servi de refuge à plusieurs nazis en fuite, notamment Josef Mengele, qui aurait trouvé asile au Paraguay dans les années 1950.
3 - Son surnom « El Stronato » reste employé au Paraguay pour désigner la période de son pouvoir et son influence persistante dans les structures politiques locales.
4 - Il fut décoré par plusieurs pays au début de son règne avant que ces distinctions soient progressivement retirées à la fin des années 1970.


Points clés

- Métier(s) : militaire, chef d’État, dictateur
- Résidence principale : Asunción (Palais présidentiel) ; exil à Brasilia (Brésil)
- Relations : Eligia Mora Delgado (épouse) ; trois enfants dont Gustavo Stroessner
- Enfants : trois (en partie confirmés selon les sources disponibles)
- Distinctions : dirigeant autoritaire du Parti Colorado ; construction du barrage d’Itaipú ; participation à l’opération Condor